La maison Bouthillier/McDougall/Outre-Mont a donné son nom au village d’Outremont en 1875.
Cette maison de ferme bâtie vers 1833 par Louis-Tancrède Bouthillier(voir photo),
fils d’un marchand de France, a non seulement donné son nom Outre-Mont au village, mais on peut aussi dire, que, de ses mûrs, l’histoire de son village se révèle.
En effet, d’abord porte d’entrée du village de Côte Sainte-Catherine, elle devient la ferme du courtier d’origine écossaise Donald Lorne McDougall en 1856 Puis, en 1887, les Clercs de St-Viateur la transformeront en ferme-école et y logeront l’Institution des sourds et muets.
On y fera principalement de la culture maraîchère avec notamment la pomme de terre et de
la rhubarbe. Les vaches laitières permettront de couvrir les besoins en lait de l’Institution. C’est le prêtre français Charles-Michel De l’Épée (1712-1789) qui développa le langage par signes des sourds-muets qui sera utilisé à cet institut. Le salon de cette maison se transformera même temporairement en chapelle. Finalement, Henri Bourassa, le fondateur du journal Le Devoir, y habita en 1910 (voir photo).
Cette maison, qui existe encore aujourd’hui, symbolise ce village situé de l’autre côté du Mont-Royal (Outre-Mont) qui était principalement composé de fermes avant que les Clercs de St-Viateur ne procèdent à son développement institutionnel et résidentiel.
C’est au nord de cette maison que les Clercs de St-Viateur achèteront un immense terrain entre le chemin de la Côte Sainte-Catherine et le campus MIL de l’Université de Montréal. En 1896, ils érigent leur maison provinciale contenant une chapelle sur l’avenue Querbes. Par la suite, ils bâtiront écoles et églises dont notamment l’église St-Viateur. Ils fonderont d’ailleurs la paroisse St-Viateur en 1902. Ils s’impliqueront socialement dans la communauté locale à travers la religion et l’enseignement.
Ils contribueront aussi au développement résidentiel structuré en vendant leur propriété en plus de 693 lots à bâtir entre 1889 et 1907. Ils donneront aussi des terrains à la municipalité d’Outremont pour faire le parc Outremont (1898) sur un terrain plutôt marécageux traversé par le ruisseau d’Outremont. Plus tard, ils donneront un autre terrain permettant d’aménager le parc St-Viateur (1926).
La chapelle adjacente que l’on aperçoit de la rue Querbes près de la maison provinciale a été construite en 1948 alors que les Clercs font aussi construire en 1952 l’externat classique St-Viateur, un grand bâtiment de style art-déco, qui deviendra l’école Paul-Gérin Lajoie au milieu des années 1970.
Plusieurs rues et un parc ont été nommés sur leurs anciennes terres en leur honneur : St-Viateur, Querbes, Champagneur, Lajoie, Ducharme, de l’Épée,…
Pour mieux connaître l’origine de ces noms, il faut en apprendre encore un peu plus sur l’histoire de cette communauté. En 1847, Louis-Marie Joseph Querbes, le fondateur des Clercs de St-Viateur en France, envoya Étienne Champagneur (1808-1882) (voir photo) au Canada à la demande de l’évêque de Montréal Ignace Bourget. Il devint provincial et maître des novices à Joliette. Le père Lajoie sera le premier canadien à devenir supérieur général de la communauté en 1890.
En 1896, c’est le père Ducharme qui prendra la décision de déménager sa direction provinciale de Joliette à Outremont sur la rue Querbes en construisant un bâtiment massif en pierre flanqué de deux gros donjons. Cette bâtisse ressemblant à une forteresse sera d’ailleurs surnommée La Bastille pour faire référence à la forteresse qui fut détruite à Paris lors de la Révolution française.
En 1960, au moment même où la communauté canadienne atteint son apogée avec des effectifs de 1100 religieux responsables de 98 œuvres diverses et enseignant à plus de 22 000 élèves, on procèdera à l’étatisation des établissements scolaires. Les Clercs de St-Viateur seront donc forcés à délaisser progressivement plusieurs de leurs maisons d’enseignement.
Cette communauté sera donc la première à s’installer à Outremont et la dernière à la quitter avec la vente de son domaine de l’avenue Querbes en 2021. En effet, leur domaine sera converti en condominiums. Le bâtiment de pierre grise surnommé La Bastille (à droite sur la photo) est le plus vieux bâtiment à étages de l’arrondissement.
Selon les conditions des Clercs de St-Viateur, le promoteur immobilier conservera, semble-t-il, ce bâtiment ainsi que la façade de la chapelle, au centre. La Bastille des Clercs de St-Viateur, contrairement à celle de Paris, survivra, cette fois, à la révolution… résidentielle.
En quittant Outremont, cette communauté laisse derrière elle des traces qui ne s’effaceront jamais tant au niveau du patrimoine bâti, de la toponymie que de l’histoire à travers sa contribution sociale, religieuse et éducative.
Texte et recherche Sylvain Rousseau
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