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Photo du rédacteurJonathan Buisson (Cloud Pouarier)

L'histoire du 1110-1114-1128 Van Horne et de sa destruction

 

Je me rappelle, enfant, quand je passais devant ce vieux bâtiment, j'avais cette réflexion qui me venait à l'esprit : cette maison ne semblait pas avoir sa place dans le décor qui l'entourait, plus moderne. Sans réaliser que cette demeure était là bien avant tous les immeubles qui l'entouraient. Malgré ces vieux bâtiments, ils ont toujours eu un étrange effet sur moi, comme si ces habitations étaient empreintes de la vie antérieure de tous les locataires qui y ont vécu. Comme si ces bâtiments avaient une sorte d'âme difficile à exprimer en émotions. Ce genre de bâtiment est spécial car il se démarque des autres édifices qui l'entourent. Mais pourquoi, au Québec, avons-nous cette fâcheuse tendance à avoir comme première réaction de détruire ces éléments anciens qui font partie de notre quotidien ? Pourquoi, quand vient le temps de mettre en valeur ces biens architecturaux de notre patrimoine, pourquoi sombrons-nous toujours du côté de la facilité et de la paresse ?

 

À l'époque où ces maisons furent construites, le secteur ne ressemblait en rien à ce qu'il est aujourd'hui. L'avenue Van Horne ne possédait pas encore cette dénomination et n'était fort probablement qu'un chemin de terre battue. La proximité du chemin de fer attirait des industries de charbon, des garages mécaniques, des ateliers de bois, entre autres. Il ne venait pas immédiatement à l'esprit de s'établir dans le secteur.

 

Les bâtiments qui se trouvaient au 1110-1114 Van Horne étaient des constructions plutôt rudimentaires à la base. Il s'agit en réalité de cubes à deux étages qui furent probablement modifiés au fil du temps. Des maisons standards comme on en construisait à l'époque. Malgré leur aspect rudimentaire, elles étaient agrémentées de magnifiques ornementations : les corniches, les moulures et autres éléments architecturaux décoratifs donnaient du charme à ces maisons. De plus, à l'époque, elles possédaient des balcons qui, je présume, devaient être tout aussi magnifiques que le travail observé sur les corniches. Avec l'urbanisation et l'ouverture de l'avenue Van Horne, les balcons se retrouvaient directement sur les trottoirs, et les propriétaires ont été obligés de les éliminer, car ils nuisaient à la sécurité des passants.

 

Je possède très peu de photos et d'informations concernant ces maisons. Cependant, mes recherches m'ont permis de dénicher ces informations auprès de citoyens ayant habité ces deux maisons dans le passé. Pendant un certain nombre d'années, les deux duplex étaient la propriété de Monsieur Gladu, qui était également propriétaire d'un grand garage situé en face de la maison. Ce bâtiment a été reconverti en condo et est toujours en pied sur rue sur Van Horne. Monsieur Gladu a joué un rôle important au sein de sa communauté.

 

Madame Pierrette Lemay nous a confirmé que le 1110 Van Horne, pendant un certain temps, a été un centre communautaire ainsi qu'un embryon de CLSC qui avait été subventionné pour cette initiative locale. Beaucoup de gens sont venus en ces lieux exposer leur vulnérabilité, trouver une oreille à l'écoute, une épaule sur laquelle se reposer ainsi que des soins de santé rudimentaires.

 

Comme les bâtiments furent construits à une époque où l'utilisation du cheval comme moyen de transport était chose courante, on retrouvait au fond de leur terrain arrière des écuries pour accueillir ces bêtes robustes et magnifiques.

 

Après avoir rendu de fiers services à la communauté, ces deux maisons furent lentement laissées au bon soin du temps qui les a endommagées. Comme très peu d'argent fut investi dans le maintien de leur intégrité, elles se fragilisèrent et perdirent leur charme. Néanmoins, pour un œil averti, elles restaient d'exception. Après cette lente dégradation, elles furent vendues à un promoteur immobilier qui voulait les détruire en premier lieu.

Comme cette idée ne passait pas, il fut contraint de les intégrer à leur future construction en faisant du façadisme avec elles. Selon moi, c'est la façon la plus paresseuse de conserver des pièces du patrimoine, la façon la plus facile et moins coûteuse, et souvent la dernière option qui s'avère obligée par les autorités locales.

Voici un résumé corrigé de la séquence des événements après l'achat :

 

Les bâtiments sont laissés vacants par le propriétaire actuel, non chauffés et dans un état assez déplorable. Par la suite, lorsqu'on réalise qu'on ne pourra pas les démolir, on échafaude un projet de façadisme. À la fin de l'été 2023, on démolit toute l'intérieur des maisons et on laisse les façades ainsi qu'une partie de la toiture. Les façades restent exposées aux éléments pendant presque 6 mois jusqu'à l'effondrement de la façade du 1114, mettant en danger la vie des piétons et des automobilistes circulant dans le secteur.

Les autorités compétentes sont dépêchées sur les lieux pour inspecter et sécuriser l'endroit. Cependant, quelques jours plus tard, on démolit la deuxième façade, la plus importante des deux, celle qui était le principal objet du projet raté de conservation.

Après cet enchaînement d'événements malheureux, maladroits, voire même irresponsables, nous ne pourrons plus jamais nous surprendre à rêver d'une autre époque lors de nos futures balades dans le secteur.

L'histoire du 1128-1114 Van Horne et de sa destruction nous rappelle la fragilité du patrimoine architectural et l'importance de sa préservation. Malgré les efforts pour sauvegarder ces bâtiments emblématiques, nous sommes témoins d'une triste réalité où la facilité l'emporte souvent sur la préservation de notre héritage culturel. Espérons que cette histoire serve de leçon et nous incite à être plus vigilants dans la protection des éléments anciens qui façonnent l'identité de nos quartiers.

 

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Texte et recherche Jonathan Buisson

Source Facebook Souvenirs et mémoires de Côte-des-Neiges

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